Kwonlegde Management et Transfert de Connaissance
Dans le cadre de l'élaboration du Dossier d'Archimag n°369 "Le Knowledge Management dans le monde d'après", Alain Berger a répondu aux interrogations de Bruno Texier au sujet du "Knowledge Management et du Transfert de Connaissance".
KM et transfert de connaissance : où en est on aujourd’hui ?
La photographie supra ci-dessus présente une situation de recueil d'expertise et plus particulièrement d'EKT (Expert Knowledge Transfer). A gauche l'expert écoute afin de valider la connaissance qui a été recueillie par l'ingénieur de la connaissance à droite. Au fond, le spécialiste retenu pour "recevoir la connaissance" formalisée dans la base de connaissance en cours d'élaboration et qui in fine sera le nouveau garant de cette expertise métier pour l'organisme.
Crédit Photographique : Alain Berger Ardans 2022
Comment assurer le transfert des connaissances lorsque les entreprises sont confrontées aux démissions, au travail hybride et à un turn over important ?
Alain Berger (Ardans) : Nos clients sont soucieux de pérenniser leurs connaissances les plus profondes et avancées. Elles sont généralement acquises et détenues par des personnels fidèles et expérimentés. La question de leur départ est plus liée à une limite d'âge qu'à une démission soudaine.
Le sujet du travail hybride ne constitue plus un obstacle aujourd'hui car après cette pandémie 2019-2022, les salariés et les organisations ont bien absorbé les évolutions sur la modalité d'intervention.
Pour réussir un transfert de connaissances, il convient toujours de considérer :
- l'émetteur ou le sachant
- le domaine métier
- le receveur ou l'apprenant
- le dispositif retenu pour les modalités ou le protocole de knowledge transfer
- le résultat physique qui consigne le contenu formalisé du transfert réalisé et en parallèle l’évaluation sur l’acquisition des connaissances par l’apprenant
- le protocole de maintien et d'actualisation du patrimoine initialisé
- les moyens disponibles pour réaliser et suivre le bon déroulement de l'activité
L'action de capitalisation ou de transfert n'est pas forcément facile dans un contexte de démission. C'est pour cela que l'organisation doit être pro active sur le sujet et anticiper sur ce qui peut devenir un risque majeur.
Quelles sont les attentes de vos clients et de vos prospects ?
La question du transfert de connaissances est la question la plus fréquemment posée actuellement. La question subséquente est déjà de savoir « comment faire » !
On avance ensuite sur le "qui" est pressenti comme source, et sur le "pour qui" comme destinataire. La nature de "pour quoi", ou dans quel but, pour quelle mission précise le contexte.
Le cadre est dessiné. Il faut se pencher sur les modalités de ce transfert : le format, le calendrier. C’est la question des disponibilités de ressources qui survient à commencer par celles du sachant puis celle de l’apprenant !
L'analyse du « quoi » est alors au centre de l'action.
Une telle démarche permet de bien prioriser les actions et in fine de se donner la chance de maximiser leur bonne exécution et mise en œuvre.
Nous avons été très surpris de constater que certaines grosses entreprises présentaient des cahiers des charges "génériques" pour "knowledge transfer" (sic) sans donner d'autre information. Autant dire qu'avec une telle approche indigente, l'heureux titulaire doit se préparer à un avenir incertain voire difficile, les acteurs à une grande désillusion et le commanditaire à un échec !
En quoi les éditeurs peuvent-ils améliorer leurs logiciels ?
Pour Ardans, l'obsession est de mettre à disposition des modules les plus ergonomiques possibles pour les utilisateurs. Cela passe par une ingénierie profonde appliquée au processus métier. Il faut que cela soit simple et intuitif au final. Et comme on le sait, c'est compliqué de faire simple !
Très pratiquement, nous avons consolidé notre moteur par des modules d'analyse sémantique de la base de connaissance « en temps réel ». L'apport de technique d'intelligence artificielle est une assistance car c'est l'humain qui prend la responsabilité de valider ses contributions en terme de contenus comme de liens.
Les compétences de gestion des connaissances sont-elles suffisamment développées dans les organisations ?
Comme « compétences de gestion des connaissances », trois rôles majeurs sont particulièrement bien identifiés aujourd'hui, à savoir : Knowledge Manager ou Gestionnaire de la Connaissance, Chief Knowledge Officer ou Directeur de la Connaissance, et Knowledge Engineer c’est-à-dire Ingénieur de la Connaissance.
S'il y a beaucoup de personnes qui se réclament être Knowledge Manager rares sont celles qui le sont véritablement. Son rôle est essentiel dans la préparation d'une action de gestion des connaissances comme dans le management de la vie d'un dispositif. Il doit être aussi précieux dans l'animation des communautés. L'ISO30401 lui réserve un cadre d'action très riche et diversifié. On note à ce propos l’existence d’une formation au CNAM qui propose un certificat sur le KM avec un contenu substantiel en terme de qualité.
La ressource stratégique pour l'organisation est le Chief Knowledge Officer. C'est lui qui organise, oriente, impulse, priorise la politique KM sur les aspects métiers, RH, technologiques comme budgétaires. Il doit disposer d'une expérience métier significative comme d'une stature managériale incontestable. Son autorité, son charisme le rend facilitateur dans la mise en œuvre des actions qui concourent à la Gestion du patrimoine de savoir de l’organisation. Il sait parfaitement justifier la valorisation de l’actif tangible « connaissance » auprès de la gouvernance de son institution.
La ressource sensible et extrêmement rare est celle de l'ingénieur de la connaissance. C'est un métier qui allie un savoir-faire technique et un savoir-être foncièrement humain. Il faut échanger avec le sachant, obtenir sa confiance pour l'écouter et le questionner jusqu'à l'entendre révéler ses connaissances les plus profondes. Il faut aussi qu'il soit en capacité d'éliciter des concepts implicites pour les formuler le plus fidèlement au futur utilisateur via la plate-forme de gestion des connaissances.
Tout ce travail de collection se réalise dans un cadre qu'il faut savoir appréhender et retranscrire via des ontologies, des arborescences de classification mais aussi des modèles à partir desquels la connaissance est déclarée. L'ingénieur de la connaissance s'assure de la gestion de la confidentialité de la connaissance (droit à en connaître) comme du liage des éléments de connaissance entre eux ce qui favorisera ultérieurement la navigation comme la recherche pour l'utilisateur. Pour mémoire, l'ingénieur cogniticien est une catégorie d'ingénieur de la connaissance qui sait traduire des règles métiers ou des situations opératoires dans des langages informatiques (en particulier pour les systèmes experts).
Pour répondre à votre question, les organisations sont pauvres voire dénuées de ces profils aujourd'hui. Nous constatons avec intérêt que nos clients sont des organismes qui s'engagent vraiment dans la démarche de management de la connaissance et font le nécessaire pour se doter de talents sur ces trois niveaux de profils en les formant et en leur permettant d’être accompagnés sur des opérations concrètes internes.
Quels sont les pièges à éviter lorsqu'une entreprise souhaite déployer une solution de KM ?
Votre question sous entend que l’on pourrait choisir un logiciel « KM » avant d’avoir clairement cerné le sujet : non, il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs !
Il faut d'abord construire la solution sans a priori. Michel Grundstein parle de « Construire en commun un objet inconnu ! ». C’est exactement ce que nous faisons et ce que je recommande.
Le déploiement impose qu'il y ait un fondement solide, validé et approprié par un groupe d'utilisateurs représentatifs, afin que le dispositif puisse accueillir d'autres référentiels métier.
Pour la recette, il faut donc :
- Ne pas avoir d'a priori.
- Avoir un climat humain serein, avec un noyau d'acteurs bien identifiés, motivés par l'aventure, et avec le soutien de la hiérarchie.
- Avoir un cadre protégé en termes de ressources : un temps réservé d'échange et de réflexion pour cette équipe motivée bien accompagnée.
- Avoir des cibles réalistes pour réaliser des petites victoires afin de capitaliser de la confiance et être plus ambitieux pour les étapes suivantes.
- Suivre les avancées, et apprécier les obstacles franchis, les progrès accomplis, les résultats acquis et avec un reporting régulier au sponsor.
- Privilégier un processus métier visible - et donc non nébuleux - qui a un petit caillou dans les rouages et qui disparaîtra à l'issue de cette phase.
- Demander à l'informatique d'être humble et à l'écoute car si le projet KM est en cours d'analyse et d'élaboration, c'est qu'il n'a pas été traité convenablement jusqu'alors.
Pour être précis, les projets Ardans qui fonctionnent ne sont pas liés à la mise en œuvre d’une solution KM, mais à la mise en place d’un système KM (au sens de l’ISO30401) où l'équipe interne construit son environnement pour exploiter au mieux les connaissances collectives actives sur un processus métier bien identifié. Nous ne faisons que les accompagner pour révéler leur capacité à faire grandir leur efficience collective.
Mettre en place un système KM : c’est une merveilleuse aventure humaine pour l’entreprise !